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vendredi 14 octobre 2011

La cassure de 2001

L’article du Wall Street Journal, Tallying the toll of US-China trade rapporte une étude économétrique très récente de plusieurs universitaires issus d’organisations réputées (néo-)libérales et influentes (NBER etc.). L'étude identifie un point d'inflexion dans l'intensité des importations en provenance de la Chine en 2001, d'où le titre, La cassure de 2001. Il ressort que les échanges commerciaux entre les USA et la Chine pénalisent (en net) le marché du travail de la première, ce qui est à l’origine de prestations sociales plus élévées (pour compenser la précarité causée par le libre échange). Ce type d'étude a plus de grâce à nos yeux que la fameuse thèse de la cassure de Maurice Allais (Cf la série de billets intitulée La cassure de 1974), et nous en proposons un résumé.

L'étude économétrique commentée dans le Wall Street Journal s'intitule Le syndrome chinois : Impact des importations chinoises sur le marché du travail aux Etats-Unis et est datée de Août 2011. Cet extrait, traduit par nous (non officielle, donc), définit la problèmatique:
Historiquement le marché du travail [Sous entendu le chômage et le niveau des salaires] aux Etats-Unis a été épargné par le commerce international, car les importations en provenance de pays à bas salaires étaient faibles (Krugman, 2000). D'abord, la théorie du libre échange qui prend en compte les différentiels de salaires (Krugman, 2008) prévoit que l'ouverture au commerce international  modifie la structure des salaires [...] Ensuite, la part de la consommation en importations chinoises augmenta de 0.6% en 1991 à 4.6% en 2007 (Figure 1), avec un point d'inflection en 2001 correspondant à l'accession de la Chine à l'OMC. Il s'ensuit que la dégradation du marché du travail attribuable aux importations des pays à bas prix a dû s'accentuer ces 20 dernières années. Paradoxalement, c'est le scepticisme envers ce lien de cause à effet qui a prévalu.
Ci-dessous, copie du graphique montrant le point d'inflexion en 2001. En abscisse, les années, et en ordonnée le taux de pénétration des importations chinoises dans la consommation:



L'article ambitionne de lever le scepticisme mentionné plus haut, en proposant une méthode économétrique innovante. Alors que les travaux classiques s'intéressent aux aggrégats macroéconomiques, l'originalité de celle-ci est de décomposer les Etats-Unis en divisions territoriales (commuting zones), chacune caractérisée par sa spécialisation industrielle. Plus cette dernière est proche de celle de la Chine, plus la compétition y est sévère, et plus on constate que le marché du travail est sinistré. Cette approche améliore donc qualitativement ce qui constituait jusqu'à présent le canon en matière de recherche dans ce domaine mais est aussi statistiquement plus riche en degrés de liberté (2). L'autre avancée qualitative, c'est de prendre en compte les effets externes liés à la prise en charge sociale (maladie, retraite) des travailleurs touchés le déclassement (3). Il ne s'agit pas de mesurer le coût social pour lui même, mais la perte de richesse moyenne qui lui est imputable: on reste dans une optique de maximisation de la richesse, à système de sécurité sociale donné (4). Entre 2/3 et la totalité des gains résultant de l'échange avec cette partie du monde sont anihilés par les coûts directs et indirects associés au déclassement de certaines catégories de travailleurs (5).

Mise à jour le 1er Novembre


Nous avons fait une erreur d'interprétation significative des statistiques de l'articles. La fourchette donnée plus haut n'est pas [2/3, 1] mais [1/3, 2/3]. Merci au commentateur de nous l'avoir signalée.
(1) One factor limiting trade’s impact on U.S. labor is that historically, imports from low-wage countries have been small (Krugman, 2000). [...] Yet, skepticism about the importance of trade for U.S. labor markets persists. Lawrence (2008) and Edwards and Lawrence (2010), for instance, dismiss a significant role for trade in U.S. wage changes after 1990. (2) In this paper, we relate changes in labor market outcomes from 1990 to 2007 across U.S. local labor markets to changes in exposure to Chinese import competition. We treat local labor markets as sub-economies subject to differential trade shocks according to initial patterns of industry specialization. Commuting zones (CZs) [...] By taking regional economies as the unit of analysis, we circumvent the degrees-of-freedom problem endemic to estimating the labor-market consequences of trade. (3) Our results suggest that the predominant focus of the previous literature on wages misses important aspects of labor market adjustments to trade. We find that increased exposure to low-incomecountry imports is associated with rising unemployment, decreased labor-force participation, and increased use of disability and other transfer benefits, as well as with lower wages, in affected local labor markets. [...]  For regions affected by Chinese imports, the estimated dollar increase in per capita SSDI payments is more than thirty times as large as the estimated dollar increase in TAA payments. (4) One manner in which adjustment to import competition may partly offset these gains from trade is through the deadweight loss associated with individual take-up of government transfers. Such a loss is not a distributional consequence of trade but a loss in economic efficiency associated with U.S. benefit programs. (5) In Section8, we provide a rough comparison of the potential consumer gains from trade with China and to the deadweight losses associated with trade-induced increases in the use of public transfer benefits. These deadweight losses equal, in the medium run, about one to two thirds of the consumer gains from trade. 

1 commentaire:

  1. Merci, c'est intéressant. Une remarque: vous écrivez "Entre 2/3 et la totalité des gains résultant de l'échange avec cette partie du monde sont anihilés".
    Or il me semble que le texte original (que vous reproduize en note 5) indique "entre 1/3 et 2/3" ("These deadweight losses equal, in the medium run, about one to two thirds of the consumer gains from trade")

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